L’espérance de vie augmentant d’année en année, les gens vieillissent plus longtemps qu’avant et souhaitent demeurer dans leur maison le plus longtemps possible. Le résultat est une augmentation du nombre de problèmes de santé susceptibles de survenir et d’entraîner des conséquences permanentes, dont la perte d’autonomie. Il est donc important de bien se préparer, d'aborder le sujet dans toute sa complexité avec ses proches, et surtout, de dépasser les préjugés.
Comment faire pour que cette transition se fasse le plus sereinement possible? Comment bien accompagner nos parents vieillissants dans cette réalité? On en discute avec Jocelyne Lévesque, directrice générale du Marronnier.
Entretenir une relation respectueuse avec ses parents
Ce n’est pas un mythe : plusieurs personnes âgées et retraitées se montrent réticentes à recevoir l’aide de leurs proches lorsqu'elles font face à une perte d’autonomie. Ancrée dans la peur de la personne d’être déracinée de son milieu de vie, sa crainte de devenir dépendante d’autrui et son souhait de rester aux commandes de son existence, cette réticence peut toutefois être prévenue ou du moins atténuée. Comment? En cultivant au fil des années une relation fondée sur le respect avec ses parents.

« Souvent, on s’éloigne de nos parents à partir du moment où ils prennent leur retraite », explique Mme Lévesque. « On est pris dans nos propres vies, on leur rend visite pour les occasions spéciales, mais on n’est pas impliqué dans leur quotidien. C’est souvent lorsqu’un des parents tombe malade que tout à coup les enfants prennent conscience qu'ils doivent être plus présents. »
Dans ces cas-là, dire à son parent qu’il n’est plus apte à s’occuper de lui-même et qu’il doit accepter de l’aide peut être intrusif. « On entend souvent “Pourquoi j’aurais besoin d’aide? Ça fait des années que je m’organise. Tu ne viendras pas me dire quoi faire!” Les proches doivent donner du temps aux parents afin qu’ils comprennent et acceptent chacune des nouvelles étapes à venir ainsi que l’aspect irréversible de la situation. »
La clé : la préparation
Pour éviter ce genre de situation, la préparation est primordiale. Autrement dit, il faut agir en amont, avant que le parent soit confronté à une perte d’autonomie concrète. Et comment fait-on pour bien se préparer? La présence, l’écoute, le dialogue et la recherche d’information.
« Quand on est en réaction, il est beaucoup plus difficile de parler avec notre cœur. Nos parents ne souhaitent pas qu’on se fasse du souci pour eux et sont prêts à faire certains compromis », assure la directrice générale de la résidence. « Il ne faut pas hésiter à leur communiquer que nous sommes inquiets pour eux et que le stress généré par la situation devient une charge lourde à porter au quotidien. Si le lien de proximité a été entretenu et le dialogue amorcé en amont, dans la bienveillance et sans jugement, tout se passe beaucoup plus facilement. »
La perte d’autonomie : le dernier des tabous
Au même titre que la mort, et peut-être même plus encore, la perte d’autonomie qui accompagne le vieillissement est un grand tabou dans les conversations. Tant que nos parents sont bien portants, la pensée magique que tout va bien aller nous habite. Pourtant, le déni ne fait qu’empirer la situation en repoussant l’inévitable.
Être à l’écoute et engager la discussion

« Il est important d’amorcer tôt un dialogue avec ses parents. On peut poser des questions du genre: “Si tu devais aller à l’hôpital demain matin et que tu avais besoin d’aide à ton retour à la maison, comment voudrais-tu que ça se passe? Accepterais-tu que quelqu’un entre chez toi pour s’occuper de ton entretien ménager?” Il se peut très bien que la personne refuse d’envisager ce scénario sur le coup, mais la réflexion va faire son bout de chemin. On commence tranquillement à susciter des questionnements. »
Si la personne se braque à la première approche, il est préférable de laisser passer un certain temps avant de revenir sur le sujet. Il y a fort à parier qu’elle cogitera de son côté, réalisant qu’il vaut mieux y songer plus tôt que tard, et qu’elle fera preuve de plus d’ouverture lors d’un prochain échange.
En revanche, si la personne s’ouvre, il faut lui permettre de s’exprimer. « Par exemple, si elle dit “Si quelque chose m’arrivait, voici ce que je souhaiterais”, on pourrait être tenté de répondre “Mais non voyons, t’es en forme, arrête de dire ça”, mais ce n’est pas ce dont la personne a besoin. Elle nous fait part de ses inquiétudes, et même si on n’est pas prêt à les entendre, c’est notre rôle, en tant qu’enfant, d’entretenir ce lien qui lui permet d’exprimer ses craintes. Parce que ça peut être inquiétant de vieillir. »
Être au-devant des besoins
La COVID-19 l’a démontré : nul besoin d’attendre que l’appel à l’aide se fasse entendre pour prendre des mesures concrètes. « Pendant le confinement, des gens apportaient des plats cuisinés et offraient du soutien à leurs parents au Marronnier, même si ceux-ci étaient autonomes. C’est bien d’aller au-devant des besoins et que l’aide soit déjà présente avant qu’elle ne soit nécessaire. Il ne faut pas avoir peur de heurter le sentiment d’indépendance et d’autonomie du parent. »
La peur de déranger leurs enfants dans leur vie bien remplie habite parfois les parents qui ne souhaitent pas devenir un fardeau. Un petit coup de pouce improvisé apporté avec tact et délicatesse peut alors s’avérer précieux.
Aborder la situation de manière positive
Plusieurs personnes âgées vivent avec l’angoisse d’être « placées ». Dans leur esprit, les maisons de ressources sont des mouroirs où l’on renonce au bien-être. C’est le rôle des proches de les accompagner tout en les rassurant. « Accepter qu’on est en perte d’autonomie, ce n’est pas se diriger vers le mouroir », affirme Mme Lévesque. « Au contraire, c’est pouvoir se prémunir de ressources qui vont nous aider à bien vivre le plus longtemps possible. Lorsque la perte d’autonomie s’installe, il est parfois difficile de prévoir jusqu'où elle ira. »
